Le Cubisme

Fondation Giacometti -  Le Cubisme

Sabine Weiss, Vue de l'exposition Alberto Giacometti à l'Orangerie des Tuileries, salle 7, 1er étage, 18 novembre 1969, coll.Fondation Giacometti, Paris.
© Succession Giacometti (Fondation Giacometti, Paris et ADAGP, Paris)
© Sabine Weiss

Inscrit aux cours de Bourdelle à son arrivée à Paris, Giacometti montre vite un intérêt pour les mouvements avant-gardistes qui se développent à l’extérieur de l’Académie. L’une des tendances dominantes de l’art est alors le post-cubisme. Giacometti, qui connait mal cet univers créatif, doit donc acquérir des connaissances sur le terrain. Par la visite des salons et la rencontre des artistes, il s’imprègne des méthodes du cubisme et élabore ses premières sculptures personnelles. Dans les carnets de cette époque, on remarque l’intérêt qu’il porte pour le langage moderniste et son désir de s’éloigner des formes artistiques traditionnelles. La représentation du corps, dont le volume est construit dans un premier temps par un réseau de lignes et de facettes, évolue et s’organise pour donner vie à des formes plus abstraites.

Invité en 1925 à participer au Salon des Tuileries, il expose sa première composition « non figurative », le Torse. Dans ce torse féminin, l’artiste réduit la silhouette à des blocs angulaires, des formes simples, comme Brancusi l’avait fait dans le Torse de 1923. Giacometti racontera que devant cette sculpture, Bourdelle aurait dit : « On peut bien faire ça chez soi, mais on ne le montre pas ».

Très tôt, il fait la connaissance d’Ossip Zadkine et de Jacques Lipchitz, lesquels l’invitent dans leurs ateliers et l’encouragent dans sa création. Les Compositions dites « cubistes » réalisées vers 1927 reflètent ce nouveau lien et présentent des motifs similaires à ceux de l’Accordéoniste de Zadkine ou des Baigneuses et des Guitaristes de Lipchitz. Ses sculptures deviennent de plus en plus abstraites, tout en gardant comme objectif de conserver la référence humaine. Ses œuvres se rapprochent alors des figures de Fernand Léger et les sculptures de Joseph Csaky. Les éléments de la représentation se diluent parmi les cylindres, les cônes et les demi-sphères, assemblés en colonnes. Dans la Figure dite cubiste I de 1926, les formes géométriques essentielles sont combinées et transposées jusqu’à donner vie à un personnage très proche de l’Arlequin de Juan Gris.

En rencontrant les avant-gardes, Giacometti accède aussi aux objets dits alors « primitifs ». À partir de 1926, il commence à concilier ses compositions néo-cubistes avec des motifs empruntés à l’art non occidental, vus au Musée du Trocadéro, dans les revues ou chez des amis collectionneurs. Comme l’a fait avant lui Picasso, le jeune sculpteur utilise pour ses œuvres les formes élémentaires du totem et des stèles pour représenter un Couple ou un Personnage accroupi. Il reprend aussi à Picasso (Figure, 1908) et à Henri Laurens (Bouteille et verre, 1919) la pratique de rehausser les détails de ses sculptures en les peignant. L’œuvre phare de cette période est la Femme cuillère de 1927, marquée d’un côté par les arts primitifs et de l’autre par la leçon des cubistes. Cette sculpture reprend à Brancusi l’épuration des formes et leur géométrisation. Par la superposition de trois modules constituant le torse, le ventre et la base, ainsi que par l’adoption d’un double point de  vue, de face et de profil, l’œuvre se rapproche des sculptures totémiques de Jacob Epstein (Venus, 1917).

Serena Bucalo-Mussely

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