Paire de bas-reliefs sur consoles

Fondation Giacometti -  Paire de bas-reliefs sur consoles

Alberto Giacometti, Bas-relief n° 2, 1965
© Succession Giacometti (Fondation Giacometti, Paris et ADAGP, Paris)

En 1938, Jean-Michel Frank reçoit une importante commande de la part de riches argentins Jorge et Matilda Born. En 1935, lors de l’un de leurs nombreux séjours à Paris ces derniers avaient fait la connaissance de Jean-Michel Frank et visité sa nouvelle boutique rue du Faubourg Saint-Honoré. Le couple, qui fait construire une imposante villa à San Isidro dans les environs de Buenos Aires, décide d’en confier l’ameublement et la décoration intérieure au fameux décorateur parisien.

Pour ce vaste chantier, Jean-Michel Frank fait de nouveau appel au talent d’Alberto Giacometti. Le décorateur y réutilise de nombreux éléments décoratifs déjà conçus par Alberto Giacometti depuis le début de leur collaboration en 1930 : lampes de table, lampadaires, appliques, vases… A cette occasion, il lui commande de nouvelles pièces d’importance.

Dans ce contexte, pour la salle à manger des Born, Alberto Giacometti imagine et exécute deux consoles en pierre formant paire, chacune surmontée d'un imposant bas-relief.

Ces pièces monumentales, pesant chacune près d’une tonne pour une hauteur avoisinant les trois mètres, se composent de trois éléments distincts - console, support en croisillon et bas-relief.

Sculptées dans un seul bloc de pierre claire, chacune des consoles reprend la même structure générale : une épaisse base en demi-lune supportant trois larges pieds galbés qui soutiennent un plateau trilobé. Chaque console reste néanmoins unique, les pieds adoptant des galbes différents. Il en est de même pour le décor sinusoïdal sculpté sur chaque pied central.
Les plateaux des deux consoles sont surmontés d’éléments en X, au décor nervuré, simulant le support d’imposants bas-reliefs. Ces derniers, de plan rectangulaire, aux côtés convexes, sont ornés de femmes longilignes en mouvement, dans une nudité à peine voilée. Similaires dans la frontalité de leurs visages, les deux figures féminines n’en adoptent pas moins des positions différentes ; l’une de face, l’autre dans un contrapposto accentué.

Tout autour des corps, les traces d’outils bien visibles, contrastent avec l’aspect lisse du traitement des surfaces et forment une sorte de halo autour des figures. On ne connaît d’Alberto Giacometti que peu de bas-reliefs en taille directe. Le plus souvent il s’agit de grands médaillons en terre cuite ou plâtre, ou plus simplement d’éditions en bronze. De surcroit, Alberto Giacometti a peu travaillé la pierre et seulement une autre fois à l’échelle monumentale pour une figure de 2,40 m de haut destinée au jardin de la villa des Noailles à Hyères.

Cet ensemble ambitieux était destiné à être encastré dans la maçonnerie des murs de la salle à manger des Born, de part et d’autre d’une baie vitrée, ces éléments ne faisant plus qu'un avec le mur blanc de la pièce. Dans la conception initiale du projet, les bas-reliefs n’étaient pas positionnés comme ils seront installés au final. En effet, les figures des bas-reliefs s’opposaient dos à dos semblant s’éloigner l’une de l’autre. Lors de l’installation, pour une raison qui demeure inconnue, les bas-reliefs seront inversés alors que les consoles conserveront leurs positions initialement prévues.

Les photographies d’époque, prises dans les ateliers et entrepôts de l’entreprise Frank et Chanaux, comme la correspondance d’Alberto Giacometti avec sa famille, nous permettent de retracer, dans les grandes lignes, la genèse, la création et la fabrication de cette œuvre jusqu’à l’installation dans la vaste demeure des époux Born en Argentine.

de Thierry Pautot

Images
Pour rechercher une œuvre consulter l’Alberto Giacometti Database