La rencontre
 
« J’ai rencontré Alberto en octobre 1943 le soir à la brasserie de l’Univers où se tenait une réunion en faveur de la résistance. » 
 
Née en 1923, Annette Arm a 20 ans lorsqu’elle fait la connaissance d’Alberto Giacometti. Son père est instituteur, sa mère femme au foyer ; toute la famille loge dans le bâtiment de l’école. Lorsqu’elle rencontre Giacometti, elle termine une école de secrétariat. Son diplôme en poche, elle entre début 1944 au Comité international de la Croix-Rouge. À partir de l’été 1944, elle vit aux côtés de Giacometti à l’hôtel de Rive à Genève. 
 
A la fin de la guerre, Giacometti rentre en France. Les nombreuses lettres (inédites) qu’ils s’échangent nous éclairent sur cette période. Annette rejoint Alberto à Paris en 1946 et l’épouse en 1949. Libre et résolue, elle s’adapte facilement aux conditions de vie frugales du Montparnasse artistique et populaire. 
 

 Toutes les peintures de Nu féminins seront basées sur le corps d’Annette, souvent à partir d’un mélange d’observations directes et de mémoire. En 1949, elle pose pour un Nu peint, le premier réalisé par Giacometti d’après nature. 

Elle participe à la préparation du catalogue de l’exposition à la Pierre Matisse Gallery qui ouvre à New York en janvier 1948 et dans lequel Giacometti a décidé d’intégrer une liste récapitulant ses créations depuis ses débuts. Annette, qui assiste aussi l’artiste dans son quotidien, développe son cercle d’amis parisiens, dont Simone de Beauvoir, le poète Olivier Larronde et son compagnon Jean-Pierre Lacloche. 
 
L’intimité
 
La liberté sexuelle sera une constante de leur vie de couple. Dès leur rencontre, Annette comme Alberto font preuve de transparence et d’absence de préjugés sur leurs fréquentations respectives. Deux épisodes amoureux marqueront ainsi la vie d’Annette, en 1956 avec le professeur de philosophie, modèle d’Alberto, Isaku Yanaihara, et en 1961 avec le poète André du Bouchet. Ces rencontres n’affectent pas la relation de complicité et de tendresse qui lie le couple Giacometti jusqu’à la mort de l’artiste.  
 
La préfiguration d’une fondation 
 
À la mort de son mari, en 1966, Annette s’engage résolument dans la gestion du patrimoine artistique dont elle hérite. Un réflexe l’anime : tout conserver, tout documenter. Elle se fait ainsi documentaliste, archiviste, conservatrice…Elle ne vend rien du corpus d’œuvres originales et préserve méticuleusement tous les objets et documents entassés dans l’atelier.
En 1967 elle s’attelle avec l’historien d’art Jean Leymarie à la réalisation de la première exposition rétrospective d’Alberto Giacometti en France, qui ouvrira en 1969.
En 1972, sur les conseils de Michel Leiris, elle fait démonter les murs de l’atelier peints par l’artiste. Elle constitue les bases d’un catalogue raisonné et amorce en 1987 la préfiguration d’une Fondation, dont elle ne verra pas la naissance de son vivant.

Annette Giacometti décède d’un cancer le 19 septembre 1993, à l’âge de 70 ans. La Fondation Alberto et Annette Giacometti est officiellement créée le 10 décembre 2003. 
 

Réalisé vers 1946, quelques mois après le retour de l’artiste à Paris, le premier buste représentant Annette a été exécuté de mémoire et se caractérise par ses dimensions réduites et son socle imposant. Annette nous apparaît aussi proche que lointaine, inaccessible et vulnérable. Le buste présente la particularité d’être peint, pratique courante chez l’artiste qui reprend ses sculptures au pinceau pour souligner certains détails expressifs. 

Les représentations d’Annette évoluent au fil du temps et se transforment suivant l’état d’esprit de l’artiste. Au début des années 1960, Giacometti multiplie les tentatives de « saisir » le visage toujours changeant d’Annette, comme dans Buste d’Annette X, caractéristique par son réalisme et sa ressemblance du modèle. 

« L’aventure, la grande aventure, c’est de voir surgir quelque chose d’inconnu chaque jour, dans le même visage, c’est plus grand que tous les voyages autour du monde ». 

(Alberto Giacometti, 1962) 

 Rares sont les artistes modernes à ne pas s’être intéressés au genre du Nu et Alberto Giacometti n’y fait pas exception. Le corps féminin est particulièrement présent dans son œuvre. La représentation de la silhouette féminine, en sculpture, en peinture ou en dessin, connait une évolution au long des nombreuses phases artistiques de l’artiste. L’attitude d’Annette, immobile, les bras serrés le long du corps, est le schéma récurrent utilisé par l’artiste.
Réalisé en 1962 dans la maison familiale de Stampa, en Suisse, ce portrait très fidèle et d’une grande économie de moyens est dédicacé à son épouse.