Tête noire, 1957
Le philosophe japonais Isaku Yanaihara (1918-1989) posa régulièrement pour Alberto Giacometti. Venu en France en 1954 pour étudier la philosophie à la Sorbonne, il rencontre pour la première fois l’artiste en novembre 1955, à l’occasion d’une interview. Il devient vite le modèle de plusieurs portraits en 1956, puis lors de ses séjours en 1957, 1959, 1960 et 1961.
Cette œuvre fut réalisée au moment de son deuxième voyage, entre août et septembre 1957. A cette occasion, Yanaihara prend en photo l’atelier et les toiles de Giacometti, nous permettant d’avoir une intéressante documentation photographique du travail de l’artiste.
Yanaihara photographie son portrait dans l’atelier d’Alberto Giacometti fixant ainsi les premières phases du travail. Le dessin initial est tracé en noir sur la toile et des premiers coups de pinceau vigoureux sont donnés au niveau de la tête et des épaules du modèle.
C’est avant la fin de l’année 1957 que l’œuvre est achevée ; Giacometti y pose sa signature et la date. Conformément à son habitude, l’artiste modifia considérablement le dessin initial. Par rapport au tableau pris en photo par Yanaihara, le modèle occupe moins de place dans la toile, la tête et les épaules sont baissées et les bras se raccourcissent.
C’est dans cet état précis que l’œuvre est exposée à la Pierre Matisse Gallery de New York, un an après son achèvement, en 1958.
Entre 1958 et 1962, Alberto Giacometti reprend le tableau de Yanaihara et recouvre son premier modèle avec une toute nouvelle figure. Le personnage représenté n’est pas identifié ; proche de ses caractéristiques « têtes noires », la figure est très travaillée au niveau de la tête, et beaucoup moins en revanche au niveau du buste, à travers lequel on aperçoit encore le portrait de Yanaihara.
C’est cette version, celle actuelle, qui est présenté par Giacometti à la Biennale de Venise et à la rétrospective du Kunsthaus de Zurich entre 1962 et 1963.
par Serena Bucalo-Mussely