Alberto Giacometti, Rui Chafes
Gris, vide, cris, extraits d’un vers d’Alberto Giacometti, réunissent dans cette exposition deux artistes que l’espace, le temps et la forme même de leurs sculptures séparent. On serait donc en droit de s’interroger sur le sens et la nature de cette association puisque dans les faits les deux artistes ne se sont pas croisés. Rui Chafes est né en 1966, l’année de la mort d’Alberto Giacometti et aucun élément biographique ou historique ne penche en faveur d’un dialogue. Dès sa genèse, cette exposition s’est donc voulue une rencontre.
L’idée a surgi avec la force de l’évidence, sans que n’interviennent la moindre analogie formelle, le moindre mimétisme ou esprit de filiation. Grâce à la conscience de cette différence et plus encore à la capacité de résonance des œuvres des deux artistes, ce projet s’est déployé avec la vitalité d’une recherche et d’un territoire d’images et de sens à explorer.
Comment atteindre, à partir de la matière, le point où confluent immatérialité et transcendance ? Comment représenter l’invisible ? Alberto Giacometti et Rui Chafes prennent des chemins autonomes de recherche pour y parvenir : Giacometti dans un labeur de dématérialisation exaspérée, Rui Chafes en défiant le fer jusqu’aux limites de l’impondérabilité. La tension provoquée par les œuvres des deux sculpteurs se tisse sur le fil d’une lame, entre ascension et chute.
Sans dévier par rapport à la nature de sa recherche, Rui Chafes permet une approche unique de l’œuvre de Giacometti, une expérience sensible où silence et solitude s’imposent. Cette exposition est aussi une proposition de résistance. À contretemps du lexique contemporain de l’accélération et de l’homogénéité, Rui Chafes accompagne Alberto Giacometti dans la création de « points mats, obscurs, âpres, opaques ». Selon ses mots, « transporter la flamme ». Voir : l’exposition peut se conjuguer dans la déclinaison de ce verbe. Voir l’invisible.
Cette exposition présente quinze œuvres d’Alberto Giacometti (onze sculptures et quatre dessins) et sept sculptures de Rui Chafes spécialement conçues pour ce projet, à l’exception de Larme V (2015).
Gris, Vide, Cris, les trois mots qui ont réuni les deux sculpteurs dans un espace en dehors de l’Histoire et des limites du Temps, les font oser les chemins de la nuit et de l’inconnu.