7. Fragments et visions
Giacometti travaille le fragment comme évocation du tout, comme le surgissement d’une vision dans l’espace du spectateur. En 1921 et en 1946, il est le témoin de deux morts qui lui laissent un souvenir indélébile.
Au chevet du premier mourant, il est fasciné par son nez qui lui semble s’allonger tandis que la vie s’échappe. Devant le cadavre du deuxième, il retient la tête jetée en arrière, la bouche ouverte, les membres squelettiques et la terreur ressentie à l’idée que le mort a envahi l’espace et que sa main puisse traverser les murs pour venir l’atteindre. Poursuivi par des visions de têtes en suspension dans le vide, il s’attache à les traduire en sculpture.
Fasciné depuis l’enfance par le regard, il est renforcé dans l’impression que la vie se trouve dans les yeux. De cette époque, il déclare : « Je ne peux pas simultanément voir les yeux, les mains, les pieds d’une personne qui se tient à deux ou trois mètres devant moi, mais la seule partie que je regarde entraîne la sensation de l’existence du tout. »