Avant-garde, « art nègre », colonialisme et racisme.
La belle histoire de l'art moderne fait crédit aux avant-gardes, du cubisme au surréalisme, d'avoir reconnu la grandeur des arts d'Afrique. Un examen plus attentif contraint à renoncer à cette version heureuse des primitivismes. On comprend mieux pourquoi le surréalisme s'est détaché de ce que l'on appelle alors "art nègre" - appellation en elle-même plus que douteuse - en étudiant les discours et les attitudes de ceux qui, de Paul Guillaume à Paul Morand, sont les principaux propagateurs de cet engouement; et pourquoi préférer ostensiblement les arts amérindiens et océaniens n'est pas qu'une question de goûts sculpturaux, mais une question politique et morale.
Historien et critique d’art, commissaire d’expositions, Philippe Dagen est Professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université Paris 1 – Panthéon – Sorbonne. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’art moderne et contemporain. Spécialiste de la question des primitivismes, il a notamment publié : Le silence des peintres. Les artistes face à la Grande Guerre (1996), Le peintre, le poète, le sauvage (1998), et plus récemment Primitivismes : une invention moderne (2019). En 2013, il était commissaire de l’exposition "Charles Ratton. L’invention des arts « primitifs »" au Musée du quai Branly, et il prépare actuellement une exposition sur les primitivismes dans l’entre-deux-guerres.